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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

— Il était bien tard pour agir. Elle avait déjà eu le temps de raconter ce qu’elle savait. Enfin, il ne faut rien négliger.

Il avait bien fallu relâcher Tonio, son innocence était trop évidente. Le Corse, plastronnant, était venu occuper la chambre de Liliane, et, poursuivant son enquête sur place, Neyrac se heurtait sans cesse à son sourire moqueur.

— Alors, faisait-il, on le tient cet assassin ?

— Ne crânez pas trop, Savelli, répondait Neyrac. Vous ne rigolerez peut-être pas tout le temps. D’ailleurs vous ne m’avez toujours pas dit où vous avez passé la nuit de l’assassinat de Ruby.

Tonio haussait les épaules.

— Broutilles, inspecteur, babioles. Pas une affaire digne de vous, ça.

Et étalant ses mains énormes devant lui :

— Soyez tranquille. Y a pas de sang là-dessus. Parole d’homme. C’est pas mon genre.

La mort tragique de sa femme ne semblait pas autrement l’émouvoir. Il ne trouvait quelque chagrin que devant les pastis que lui offraient avec ensemble les reporters de la presse vespérale auxquels il confiait d’invraisemblables histoires dont ils remplissaient, sous des titres sensationnels, leurs feuilles. Il n’en demeurait du reste rien le lendemain. Il finit par se perdre dans les nationalités qu’il prêta à la défunte, dans les généalogies plus ou moins princières qu’il lui attribua, dans les romans d’amour qu’il fabriqua pour leur usage.