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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

petits coups tout en réfléchissant. Puis elle partit à son tour. Et quand le groom fit pour elle tourner le tambour de la porte, elle lui adressa le sourire de quelqu’un qui n’est pas mécontent de soi.

 

Il y avait trois jours que le double assassinat des May Sisters occupait la vedette dans les journaux. Trois jours que les journaux du matin étalaient à ce sujet des titres sur trois colonnes et les journaux du soir sur sept. Il y avait même, à l’intérieur, un entrefilet régulier dans « l’Age », le grave quotidien qui n’ouvrait ses chroniques et ses rubriques qu’à la vie politique, littéraire et économique.

Montmartre vivait sous la terreur. Les filles surtout étaient épouvantées. Beaucoup n’osaient plus sortir de chez elles, avaient renoncé à leurs promenades professionnelles. Les autres appelaient un agent quand un inconnu les abordait.

— Ça devait arriver, plaisantait un voyou. Les poules font signe aux poulets.

Les hommes crânaient. L’éventreur inconnu ne s’était attaqué qu’à deux femmes.

Cependant, le soir, les cafés et les bars regorgeaient de clientèle. Le crime exerce sur le public une sorte d’attraction. On venait voir l’hôtel où les danseuses avaient été éventrées, et puis on allait se remettre de cette émotion gratuite en buvant un