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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

— Peut-être, fit Neyrac en suivant des yeux les ronds de sa fumée.

— Comment, vous n’en êtes pas certain ?

— Je ne sais pas.

— Mais enfin ?

Neyrac posa sa main sur la main de la journaliste.

— Je voudrais vous dire quelque chose, mais j’aimerais que cela ne sortît pas d’entre nous. D’ailleurs vos lecteurs ne comprendraient pas.

— Merci pour eux.

— Ce n’est du reste qu’une impression… une sorte de scrupule. Je connais assez bien les gars du type Savelli. Un crime n’est pas pour les effrayer. Mais ils ne tuent pas comme cela. Ce ventre ouvert, ces seins tailladés, c’est la signature d’un autre genre de criminels.

— Un sadique, fit Marion.

— Exactement. Et cela ne facilite pas mon enquête. Car le sadique est un être qui agit sous l’impulsion d’un refoulement, d’un sentiment longtemps bridé et qui, tout d’un coup, l’emporte sous la contrainte. Un sadique, cela peut être un monsieur très bien, possédant tous les signes extérieurs de l’honorabilité. Il peut mener une vie très rangée, très calme. Et puis, un soir, il suivra une pauvre fille sans défense, comme cette petite Ruby, et ses sentiments monstrueux se déchaîneront. Mais sa crise passée, il redeviendra un être normal, qui