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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

lucinante ressemblance des deux femmes : les May Sisters, énonçait le titre de l’image. Si la photographie avait été placée au dos de la porte, c’est que c’était le seul endroit encore libre que put offrir l’étroite loge qui cachait la couleur fanée de ses parois sous les souvenirs de ses innombrables occupants précédents, du clown à la danseuse nue, sans omettre le gymnasiarque aux muscles souples, le chanteur de charme dont le sourire atteste la valeur de son dentifrice et les plus nombreuses femmes empanachées hautement et décolletées bassement. Il y avait même des coupures de journaux jaunies et quelques accessoires hors d’usage abandonnés là on ne savait pourquoi.

L’ampoule électrique sans abat-jour soulignait durement les sourires et les œillades de toutes ces figures et ressuscitait de vieux éclats dans les paillettes des costumes. Une malle d’osier servait de siège pour celle des Sisters qui n’avait pas pris place sur l’unique chaise au cannage éreinté.

Le regard de Ruby rencontra celui de Liliane dans le miroir dont une large cicatrice en diagonale déchirait le tain.

— Oui, dit-elle ; cette fois, c’est fait.

— Tes parents sont d’accord ?

— Penses-tu ! Tu ne les connais pas. Il y a eu hier soir une scène à tout casser. Mais j’étais bien décidée. J’ai fait ma valise ; ce matin, je suis partie sans leur dire au revoir.

Ruby sourit à son image dans le miroir.