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AU DELÀ DE L’AMOUR

— Qu’est-ce exactement qu’un djich ?

— Sept à huit hommes, dissidents ou voleurs. Des hommes extraordinaires, qui ne connaissent ni la fatigue, ni la faim, ni la soif… ni la mort. Ils marchent l’un derrière l’autre, afin que l’ennemi ne sache pas leur nombre exact. Ils marchent des jours et des jours, se nourrissant de dattes séchées, buvant l’eau tiède et goudronnée de leurs guerbas. Ils ne se reposent jamais. Postés au coin d’un col, le fusil à la main, ils attendent, prêts à tirer. Ils ne font jamais grâce. Leurs victimes tuées, ils les détroussent. Armes, vêtements, chevaux, tout leur est bon. Puis, ils disparaissent et jamais on ne retrouve leurs traces… C’est un djich qui a tué le général Claverie, entre Menouarar et Taghit. Maintenant que le Sahara est pacifié, il est rare qu’un djich ait un but politique. Il est constitué simplement par des pillards de la route, que les autorités militaires dépistent avant qu’ils aient eu le temps d’agir…

Au loin, des tiges d’alpha prennent l’allure d’une bande menaçante… Ce n’est qu’un mirage. Pourtant…

— Ameur, entends-tu ?

— Oui.

— Des coups de feu ?

— Certainement. Nous continuons ?

— Bien sûr.

Puis, c’est le silence, le grand silence. Nous sommes isolés, loin de tout. Aucun cri d’oiseau, aucun bruissement d’insectes. Le désert ! Seulement, nous devinons la présence d’hommes qui se guettent pour se faire du mal…

Le soir tombe brutalement. Le ciel se dore, flamboie, s’obscurcit. Déjà, la nuit rend la terre plus mystérieuse, hostile aux vivants.

Falaises, tables plates, éboulis rocheux se succèdent sans arrêt.

La piste est marquée par des pierres entassées les