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LES ENFANTS DU PÉCHÉ

La jupe de toile épaisse, le pantalon lourd aux broderies ingénues et la chemise rude tombèrent tour à tour.

Le corps lisse et rond de partout surgit du linge abattu.

Hanka n’eut pas un regard pour sa chair ferme et blonde. Elle sortit de l’amas de vêtements, passa une chemise de nuit très longue et une camisole rayée. D’un geste précis, elle délia le mouchoir noué sur sa tête. Des cheveux raides, jaunes comme le jaune d’œuf, faisaient un misérable encadrement à la figure terne, déjà fanée, que seuls deux yeux couleur de violette paraient.

Puis, s’asseyant sur une caisse, elle commença à défaire les bandes souillées qui lui servaient de chaussettes et qui étaient pleines encore de la paille des sabots. Un moment, elle retint un de ses pieds démailloté dans sa main et le flatta doucement ; les pieds, n’est-ce pas, c’est quelque chose à soi, quelque chose de vivant, un peu comme des animaux familiers qui vous accompagnent partout.

Son rire sonna clair. Elle était heureuse tout à coup, sans savoir pourquoi.

Elle habitait pourtant la plus pauvre isba du village.

C’était un village tout petit, perdu dans la steppe. La terre, tout autour ondulait sans fin. Mais c’était une terre magique et les hommes y avaient des racines aussi profondes que les arbres. C’était une terre sans horizon.