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LA LOI DU SUD

se mit à lui parler. Aziza était étendue, sa longue queue rousse battant doucement le sol de la cage.

Tout à coup, elle lança son cri de colère et bondit, farouche.

Marco venait d’apparaître.

Pour la première fois, la bête échappait à sa domination.

D’un même regard dur il enveloppa la tigresse et la femme. Il les sentait liguées contre lui.

Et, autant il les avait aimées toutes deux, autant il les détesta.

Au début, faire de Catherine une dompteuse lui avait paru attrayant. La jeune fille arrivée chez lui une nuit, était venue en vaincue. Puis il se passa une chose étrange : plus elle prenait de l’ascendant sur les bêtes, plus il la sentait s’éloigner de lui.

Auprès de ce public qu’il prétendait ignorer, elle l’avait supplanté. Et maintenant, c’était auprès des fauves qu’elle prenait sa place.

Un tourbillon de haine l’enveloppa. Il lui prouverait qu’il était le maître.

Marco entra dans la cage.

Sous le feu des projecteurs, sa mince silhouette couleur de flamme, rapide et déconcertante comme elle, affrontait les bêtes. Il les faisait travailler avec des gestes simples, et le spectacle était si bien réglé, si harmonieux, que la foule ne parvenait pas à s’y intéresser.

Il le sentit subtilement.

C’est alors que, levant sa cravache, il en porta un coup violent à la tigresse, qui avait été un peu longue à se jeter dans le cercle de feu tenu devant elle. La bête se retourna, poussa un feulement tragique et fut sur lui. Ses crocs s’enfoncèrent dans l’épaule de Marco.

La foule hurla. Le dompteur bandait toutes ses forces