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ON NE DOMPTE PAS L’AMOUR

Le dolman rouge du dompteur éclata comme une flamme dans la cage que balayaient deux projecteurs. Sur les gradins, masse sombre et vivante, la foule s’était tue.

Catherine regardait, fascinée, l’homme qui venait de s’incliner, dédaigneux des fauves qui soufflaient dans un coin.

Dans son visage basané, deux yeux clairs luisaient au-dessus d’une bouche dont le sang semblait effleurer les lèvres pleines. Sur le torse souple et fort se dressait une tête orgueilleuse de conquérant, cruelle et douce.

Dans cette baraque foraine, au centre de ce rectangle clair protégé de barreaux, le dompteur couleur de feu fit claquer son fouet. Un murmure courut à travers les spectateurs.

Le dédain avec lequel il accueillit le bond d’un tigre, l’adresse avec laquelle il se porta à sa rencontre reflétaient tant de sûreté et de grâce que la jeune femme se sentit comme submergée par une vague exaltante. Dans le brouhaha de la foire qui venait battre contre les parois de toile, dans la chaleur moite qui y régnait, elle voyait, comme deux lacs calmes et glacés, les yeux gris et nonchalants de l’homme.

Le désir de s’approcher, instinctif, animal, la pencha vers la cage toute proche.

À travers l’espace qui la séparait du dompteur, elle le sentait étrangement proche d’elle.