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L’OMBRE DE L’AMOUR

La nuit s’achevait.

Au tumulte des dancings, à la coulée brillante des rues, à l’attaque sournoise du petit jour qui blêmit le ciel, succédait le calme compliqué, apparent, de ce bar au cœur de Paris.

Max regardait l’inconnue assise à sa table. Il ignorait son nom. Des amis les avaient présentés, mais il n’avait pas prêté attention à ce qu’ils disaient. Ils étaient repartis. Comme elle s’était levée pour les suivre, il avait dit, d’un ton dont la violence le surprit lui-même :

— Restez encore !

Sans un mot, elle avait accepté.

Pourquoi avait-il réclamé sa présence ? Il ne le savait pas au juste. Peut-être parce qu’elle était merveilleusement accordée à cette heure et à ce lieu.

C’était une de ces femmes étranges dont il semble qu’elles surgissent, le soir venu, dans la brume rosée qui enveloppe la ville et traînant derrière elles, des boîtes de nuit aux bars luxueux, le désespoir de leurs yeux aux cils admirables, de leurs lèvres boudeuses, de leurs joues mates comme des fleurs rares. Elles apparaissent, perdues dans des fourrures, leurs doigts frêles serrés sur quelque minuscule sac d’or.

La nuit, qui agonisait lentement, se paraît de mystère.

Sa compagne restait muette et rêvait, loin de ce bruit confortable, à la journée, aux journées qui vont naître, se succéder sans fin.

— Qui êtes-vous ? avait-il envie de lui demander.