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L’HOMME QUI VOULUT CHANGER LE DESTIN

placé tout naturellement à la place d’honneur, à côté de la mariée.

Sous ses voiles blancs, elle paraissait encore plus éclatante. À chaque instant, elle se penchait vers son mari, un jeune homme bronzé et viril aux yeux sombres et tendres. Ce n’est pas elle que Bernard regardait, mais Sylvia, endimanchée et gauche, qui s’efforçait de rire sans y parvenir.

Fermant à demi ses paupières, il imagina sa vie. Il avait appris qu’elle était pauvre et vivait non loin de là dans une cabane. Orpheline de bonne heure, elle avait travaillé durement pour élever sa jeune sœur. Celle-ci s’en allait à Ohio avec son jeune époux.

Après une suite de jours longs et monotones, elle mourrait sans avoir connu de la vie autre chose que son devoir.

Lorsque les violons préludèrent, annonçant le bal en plein air, ce fut vers elle qu’il se dirigea.

Elle regarda, étonnée, ces lèvres dures qui lui parlaient, ce visage hâlé qui était tout proche, ces yeux de corsaire qui la fixaient.

— Je ne sais pas danser, avoua-t-elle.

— C’est sans importance. Laissez-vous guider.

Elle hésitait. En souriant, il l’enlaça. Elle était légère entre ses bras et rougissante. La danse terminée, il la ramena à sa place et s’assit à côté d’elle.

Elle restait silencieuse, fixant sur lui un regard plein d’interrogation.

Alors Bernard parla. Il raconta le beau pays dont il venait, les voyages qu’il avait faits.

— Vous êtes descendu à Corfou ? interrogea-t-elle.

N’osant parler de son yacht somptueux, il acquiesça.

— C’est étrange de vous voir ici, murmura-t-elle.

— Le hasard ! Je le bénis, puisqu’il m’a permis de vous connaître.

— Moi ? Oh ! c’est sans importance. Vous m’aurez vite oubliée.