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LA LOI DU SUD

Son destin était d’être sans joie et sans amour, on le lisait sur sa figure.

— Allons nous baigner, proposait Joya.

Bernard se cacha. Ce ne fut que lorsque les deux inconnues eurent disparu qu’il se jeta à l’eau à son tour et rejoignit La Capitane.

Tout le soir, il fut hanté par la fille laide et par son drame. Il se sentait, pour la première fois depuis longtemps, ému par un autre être que lui-même. Si, depuis plus d’un an, il n’avait pas quitté son bateau, c’est qu’il emportait avec lui l’image d’une fille trop belle qui, elle non plus, n’avait pas eu sa part de bonheur. Une maladie subite l’avait enlevée à son amour avant qu’il ait pu en faire sa femme.

Ce n’était pas pour fuir la jolie morte qu’il allait d’escale en escale sur la route bleue des mers, mais pour garder en lui son souvenir plus vivace. Le désespoir du début s’apaisait peu à peu. Bientôt, il le savait, il serait de retour parmi les vivants.

Le lendemain, un canot le débarqua dans la crique. Il n’avait pas de plan précis, mais il lui semblait qu’il avait une tâche à remplir.

Le petit village lui apparut en haut de la côte. Les cloches sonnaient à toute volée. Tous les habitants étaient en costume de fête.

Bernard arriva près d’une grande ferme dont les barrières étaient ouvertes. Un vieillard vint à sa rencontre, comme s’il l’avait attendu.

— Étranger, venez vous réjouir avec nous. Ici l’on festoie et l’on danse pour célébrer les noces d’une fille de ce pays.

Bernard connaissait assez l’hospitalité grecque pour ne pas s’étonner de cet accueil. Bientôt il fut assis à une vaste table où les plats se succédaient. On l’avait