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L’HOMME QUI VOULUT CHANGER LE DESTIN

L’île, qu’escaladaient les cubes blancs des maisons, semblait calcinée sous un soleil de feu.

Le long des quais, des barques se pressaient, naïves et sales, hérissées de mâts, de cordages. À l’ombre des arbres, sur des bancs maçonnés à même les façades, les pêcheurs bavardaient devant de grosses fioles de vin épais et noir.

Au loin, Corfou dormait entre le bleu inhumain du ciel et celui de la mer Ionienne.

Des vagues légères qui en moiraient à peine la surface, venaient lécher les flancs de La Capitane avec un bruit doux de feuilles froissées.

Étendu sur le pont, ses jumelles à hauteur des yeux, un homme regardait au-delà des cyprès et des oliviers, au-delà des hôtels trop clairs, vers la Grèce et la côte d’Albanie, invisibles dans le flamboiement de cet après-midi d’été.

Une sorte de nonchalance ironique émanait de son visage bruni par les soleils des innombrables voyages. Au-dessus d’une bouche jeune et brutale, un nez fier, des yeux profonds un front au dessin parfait s’harmonisaient avec des cheveux sombres, brillants comme une vague nocturne.

Depuis plusieurs semaines, le yacht de Bernard Dalland effleurait, comme un immense oiseau blanc et farouche, les îles calmes de l’archipel.

Il se leva brusquement, presque irrité par la chaleur trop lourde, et plongea dans l’eau verte. Il nageait un