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LA LOI DU SUD

dévalant de toutes ses forces décuplées. Il détalait, tel un gibier traqué fonçant droit devant lui, sans penser, sans même une ruse pour tenter — combien vainement ! — de dépister l’adversaire. Il était pris, il le savait ; l’orgueil lui restait de ne pas se rendre, de reculer, le plus possible, sa défaite.

La clameur de joie, qui avait salué l’apparition du fugitif ne s’était pas éteinte qu’un ordre bref disloqua la patrouille. Trois hommes sur la droite, trois sur la gauche, tentaient, d’un mouvement tournant bien concerté, de couper la retraite au fuyard qui allait de dune en dune, profitant des accidents du terrain, se retournant parfois pour tirer sans qu’il lui fut même répondu. La manœuvre prescrite par Séguin se développait normalement.

Ayant devancé le meurtrier, les patrouilleurs mettaient pied à terre, pour encercler leur gibier. Ils n’étaient plus qu’à cinquante mètres de lui. Ils répondaient coup pour coup ; mais ils ne se hâtaient pas de l’abattre de leurs feux convergents, préférant l’avoir vivant. Ce ne sont pas les morts qu’on juge.

— Jette ton fusil et rends-toi ! hurla Séguin.

Le fugitif fit un bond qui l’amena à l’abri de quelques malingres arbustes végétant sur la pente d’une dune. Allouane disparut derrière ce rempart, il semblait faire corps avec le désert. Les hommes de Séguin avançaient lentement, insensiblement, mais d’un mouvement continu, inexorable.

L’Arabe, dans l’intervalle de deux balles qui manquaient toujours leur but, creusait fébrilement le sable, s’enfouissant davantage dans le trou qu’il préparait, d’où seule, sa tête émergeait par instant.

— Laissez-le épuiser ses munitions, ordonna le brigadier qui avait peine à maîtriser l’impatience de ses hommes.

Un spahi, tout jeune, stimulé par la fièvre du combat, se précipita vers le repaire du fugitif, et, s’approchant