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LA LOI DU SUD

mula dans l’encoignure du couloir, sous l’escalier. Ses souvenirs récents occupaient agréablement son esprit qui s’attardait à évoquer Chiffa. Des cris arrivaient, par bouffées, dominant le vacarme qui montait des ruelles. Dans un trou de silence, le bruit d’un pas ferme retentit, suivi du claquement de porte refermée. Le guetteur retint son souffle, puis ouvrit les yeux. Une femme se glissa dans le couloir ; sans doute revenait-elle de la ville où elle avait dansé pour des touristes.

La porte de Chiffa s’entrouvrit, avant que l’arrivante l’eût heurtée. La danseuse apparut, dans une longue robe de nuit brodée d’or, un mouchoir aux couleurs vives retenant ses lourds cheveux noirs.

Las de sa morne faction, amusé par l’idée d’une farce, Séguin surgit, soudain, entre les deux femmes. Chiffa eut un sursaut et mit instinctivement la main devant sa bouche pour étouffer un cri apeuré.

— Sauve-toi ! chuchota-t-elle.

Séguin comprit que la vieille n’avait pas menti. Une atmosphère de mystère enveloppait cette visite nocturne. D’un geste précis et brutal, le brigadier ceintura la nouvelle venue ; il sentit une brusque révolte pour se dégager de son emprise, et, soudain, le haïk blanc lui resta dans la main, comme trophée, tandis que l’homme, ainsi démasqué, s’enfuyait dans l’escalier, grimpait jusqu’à la terrasse, poursuivi par le spahi, sautait le haut mur.

Hésitant devant l’obstacle, Séguin fit volte-face, redescendant en hâte, pour rattraper le fugitif dans la rue.

Chiffa était restée figée dans la même pose, et attendait, anxieuse.

— C’est Allouane ben Rahmadi ? interrogea le brigadier en passant devant elle.

Elle ne répondit pas ; ses yeux exorbités trahissaient son angoisse. Il fut alors certain que c’était bien le meurtrier recherché.

Dès qu’il fut hors de la maison, Séguin siffla ; les policiers indigènes de garde se rabattirent vers lui, et, aussi-