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LA LOI DU SUD

dans ce pays que tu connais mieux que quiconque. Chez nous, nul n’aura rien vu, nul ne saura rien…

— J’aurai l’air de me cacher, comme un lâche…

— Qu’importe le jugement des autres !

Allouane s’arrêta, fit face à son frère. Son visage fermé se distendit, une lueur brilla dans le regard et, en conclusion du combat qui se livrait en lui, le meurtrier céda.

— Soit !

Les deux hommes s’embrassèrent sur l’épaule ; leurs physionomies, si semblables, reprirent la même dureté, la même décision.

— Va vite ! recommanda Kouider. Nous ne préviendrons les autorités que demain matin…

— Comment admettront-ils que vous ne sachiez rien ? Mon absence sera remarquée…

— S’est-on aperçu de ta présence ? Nous ne sommes là que depuis quelques jours. Si l’on parle de toi, nous prétendrons que tu es resté à Ourir ou que tu as suivi une caravane vers la Tripolitaine.

— Vous croiront-ils ?

— Inch’Allah !

Les deux frères s’éloignèrent, dans deux directions opposées. Kouider retourna vers le camp d’où montait une fumée, l’autre se dirigea vers un infini de dunes dont le mouvement immobile et calme semblait celui de quelque océan nonchalant.

— Qu’est-ce ? Un double meurtre ? Prévenez le toubib, ordonna brièvement le capitaine Lepage, chef de poste de Touggourt, au chaouch qui venait de l’éveiller.

L’officier s’habilla en hâte ; cependant, quand il quitta sa chambre, il offrait la même élégance parfaite qui l’avait rendu célèbre au Sahara. Jamais on ne l’apercevait autrement que dans une tenue impeccable. Ne