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LA LOI DU SUD

torche allumée éclaira la scène, dessinant des ombres fantomatiques et découpant, dans un halo rougeâtre, la silhouette du meurtrier appuyé sur son arme.

Sur le sable, les deux amants gisaient, désenlacés. La femme gémissait doucement, d’une plainte continue, enfantine. Quant à son complice, à ses bras raides et abandonnés, à ses bras qui ne tenaient plus aux rampes de la vie, on voyait que le coup avait été mortel.

Un silence plein de gravité se cristallisa. Le justicier, immobile, contemplait, sans les voir, les corps étendus d’où glissait un petit oued rouge que la soif du désert tarissait. Sortant d’un songe sans bords, il parcourut d’un regard les hommes muets qui l’entouraient ; tous l’approuvaient : il avait appliqué la loi.

Sans un mot, le coupable ajusta son fusil, rompit le cercle, s’éloigna rapidement de sa démarche souple qui balançait régulièrement sa large et haute stature. Un bruit de pas, derrière lui, ne ralentit pas son allure.

— Allouane, où vas-tu ? demanda son frère.

— Chez le chef d’annexe, raconter toute l’affaire, jeta-t-il sans se retourner.

— Il te gardera !

Allouane haussa les épaules, et, tout en continuant sa route, laissa tomber :

— Qu’importe ! Je devais agir comme je l’ai fait.

Kouider le rejoignit, lui prit la main et, cheminant à ses côtés, remarqua :

— Je sais ! Nous savons tous, nous. Mais eux, comprendront-ils ? Ce sera la captivité pour toi. Le jugement, la mort…

La mort, qu’importait ! Mais la prison, quatre murs, un plafond sur la tête… un cercueil refermé sur soi… Et ne plus parcourir les pistes, ne plus sentir sur sa peau le sable musqué du désert, ne plus voir, dans l’or clair des matins qui frange les dunes, s’ébattre les chamelons près de leur mère…

— Fuis ! insista Kouider. Mille refuges t’attendent