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LE FANTÔME MAL TUÉ

J’ai des souliers quelconques, une robe de serge bleue faite par Josette et, par là-dessus, une grande écharpe en laine dont je m’enveloppe.

— Et comment voulez-vous que je m’habille, Monsieur ?… Je suis bossue !…

J’ai crié ces derniers mots.

Il rit.

— Je le vois bien. Et après ?

— Et après ?… Oh !…

Et, curieuse cependant :

— Mais comment voulez-vous que je m’habille ?

— Si j’étais une grande jeune fille aussi ravissante que vous, avec ces cheveux noirs bouclés et ce teint mat, je mettrais des robes blanches en organdi, des robes de toile bleue, des écharpes assorties, une grande capeline. Si j’avais vos jambes, il n’existerait pas pour moi de bas assez fins ni de souliers assez délicats. Voilà pour la campagne…

— Et ma bosse ?

— Dites, c’est bien assez de l’avoir dans le dos, cette bosse. Alors, sortez-la de votre tête. Si elle vous gêne trop, suicidez-vous, sinon prenez-en votre parti gaîment.

— Oh !

— Avoir une bosse, ce n’est pas nécessairement être bossue.

Je ne sais que dire. Je regarde l’invité de maman. Il n’est pas très grand, mais harmonieusement bâti. Une quarantaine d’années, des cheveux grisonnants, une petite moustache noire de jeune premier américain.

Je répète :

— Oh !

Il me prend le bras et m’entraîne dans la maison, où maman s’affole à la recherche d’un de ses pékinois, et je ne retrouve qu’à lui dire un tout petit :

— Oh !