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LA LOI DU SUD

Josette s’immobilise, écœurée, cherche une réprimande, n’en trouve pas, et s’indigne seulement :

— Sept ans de malheur !

— Sept ans de malheur ! Va, j’ai encore plus de sept ans à vivre. Le malheur ne s’épuise pas si vite.

Je me retourne dans le lit.

— Et puis, laisse-moi dormir.

— Et dire que ça finit toujours comme ça !

Dormir… Il est si doux de dormir, même seule. Je dors. Enfin il est onze heures. Cette fois je m’éveille. Sur ma table de chevet : des fruits, le courrier. Mon bain, en m’attendant, doit jouer à faire de la buée sur les vitres. Je chantonne en regardant la glace cassée :

— C’est des blagues, des blagues.

Puis, je flaire les lettres avant de les ouvrir et, jouant au détective éclairé, j’énonce à haute voix :

— Celle-là vient d’un officier de marine, haut de six pieds, qui fume des Gold Flake…

Et c’est vrai, la grosse et franche écriture sur l’enveloppe m’évoque ce voisin qui, chaque année, se repose de ses voyages dans mon verger campagnard, sous l’œil de sa mère qui croit toujours le regarder grandir.

La dernière lettre que j’ouvre est un faire-part. Un mariage. Laquelle de mes cousines ? Laquelle de mes amies ?

…Je lis. Et toute seule dans ce matin semblable à tous les autres matins, je hurle de joie :

— Edith se marie, Edith se marie…

Josette qui entre, grogne :

— C’est pas trop tôt.

— Tais-toi.

Mais elle poursuit sans changer le ton :

— Ben, il vaut mieux qu’elle n’attende pas un deuxième bébé pour se marier.

— Est-ce que ça a tant d’importance, Josette ?

Mais ma bonne est encore plus curieuse que sévère.