SOUS L’ARCHET
Je ne savais pas le nom de ce village hongrois dans lequel j’arrivai à la nuit tombée.
Je m’étais égarée. Il y avait des heures que j’étais au volant de ma voiture, quand j’aperçus enfin une lumière. Un tournant m’en révéla d’autres, plus lointaines.
J’étais lasse. J’avais un peu peur. Avec quelle sensation de délivrance je songeais aux humains qui allaient m’accueillir.
Un quart d’heure plus tard, je m’arrêtai devant une maison. Je frappai. Seul me répondit le chant d’un violon tendre et barbare.
J’ouvris la porte et j’entrai : dans une longue pièce où flambait un feu de bois, un homme jouait. De profil, je voyais son masque d’oiseau, ses lèvres drues et ses mains qui couraient sur l’instrument, des mains longues, fines.
Il tourna à demi son visage. Mais il ne m’aperçut point, car, dans l’ardeur de son jeu, il avait clos sur ses yeux des paupières lourdes.
Et je pus contempler un visage plein de passion, brûlant, très pâle, sous les cheveux sombres et bouclés.
Sa musique ? Une mélodie inconnue de moi, qu’il devait composer au fur et à mesure de l’inspiration, car, lorsqu’il trouvait un thème heureux, il le reprenait, le transformait, le magnifiait, le reprenait encore.
Je me laissai tomber sur un fauteuil et, incapable de faire autre chose, retenant mon souffle, grisée par le violon, je restai immobile.