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L’HÔTE QUE L’ON N’ATTENDAIT PLUS

Dans les yeux où il n’avait lu que l’extase et la tendresse, il verrait naître la pitié, le dégoût, la peur…

Ce n’était pas à lui qu’il pensait, mais à elle. Il n’avait pas le droit d’emmurer cette vivante dans son tombeau… Il n’avait pas le droit de mener un tel amour vers une fin si laide…

Il était exclu du domaine enchanté… Mais pas elle, non, pas elle… Il la sauverait…

— Oui, oui, s’entendit-il dire, ne sachant même pas à quoi il répondait.

Quand elle se pencha pour l’embrasser, il recula malgré lui, comme si c’eût été elle la malade.

— Il est l’heure de dîner, fit-elle de sa voix de tous les jours.

Comme il avait l’habitude de le faire, il passa dans la salle de bains pour se laver les mains.

Elle l’attendit.

Il pouvait avoir confiance. Elle serait là, toujours. Ils pourraient encore être heureux… Ils le seraient sûrement puisque rien ne les séparerait.

Comme il était long à revenir !

Prise d’une soudaine terreur, elle alla le chercher.

Trop tard !

Il gisait sur le carreau taché de sang, la gorge ouverte par un coup de rasoir.

Elle se pencha sur lui. Le miroir, en face d’elle, répéta son geste.

Il était mort.

En relevant la tête, Brigitte vit soudain, sur sa gorge, une tache violacée semblable à celle qu’Antoine avait sur l’avant-bras. Elle sut alors qu’elle avait la lèpre.