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LA LOI DU SUD

se sentait particulièrement mal, sans savoir à quoi attribuer ce sourd malaise, cet alanguissement, cette déperdition de toute énergie… Il lui semblait que sa vie fuyait goutte à goutte.

Il s’approcha.

— Il faut faire attention, vous savez ?

— Que voulez-vous dire ?… Il faut que je m’acclimate, voilà tout !

— Non, ce n’est point cela. On vous déteste, on vous veut du mal.

Elle comprit l’insinuation. Mais que pouvait Salah contre elle ? Elle n’avait de rapports qu’avec le boy qui préparait les repas et servait à table.

— Ici, poursuivit Delange, c’est la terre des mystères, où l’impossible devient vrai. Je vais vous dire la vérité : Salah est une sorcière, ce qu’on appelle une « fille aux sortilèges ». Et croyez-en un homme qui connaît l’Afrique : dans ce pays, les sortilèges agissent, peut-être parce qu’on a foi en eux.

Monique eut un rire insouciant :

— C’est sans importance.

— Vous n’y croyez pas ! Mais, en vieux Saharien, je suis moins incrédule, et c’est moi qui suis dans le vrai !

« Vous êtes en danger. Venez habiter l’hôtel. Je vous protégerai contre vous-même si vous ne voulez pas renoncer à votre mari. »

Elle fixa un moment le regard loyal et franc. Cet homme était sincère.

— Dites-moi ce que vous savez, demanda-t-elle avec douceur.

Il baissa la voix.

— Il vient d’y avoir un mort dans la tribu de Salah et elle est restée seule avec lui. Il s’agit d’une vieille croyance dont j’ai pu observer l’efficacité sur d’autres que vous-même.

« Elle a pris la main du mort dans les siennes et lui a