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LA FILLE AUX SORTILÈGES

un rêve léger, inconsistant. Cependant la vie, le tangible se manifestait avec bruit. En une bousculade joyeuse, ses compagnons descendaient. La jeune femme hésitait quand un homme s’avança vers elle, un sourire aux lèvres :

— Venez vous rafraîchir, madame, il y a un bar.

Elle le suivit machinalement, marchant dans l’étourdissante garance du crépuscule qui tombait. Dès qu’elle fut dans la pièce agréable, ornée de dokalis, elle expliqua :

— Je suis madame Vigier. Où puis-je trouver mon mari ?

Elle perçut une lueur dans les yeux de son hôte. Surprise ? Inquiétude ? Elle ne sut démêler exactement ce qu’elle représentait, mais elle se retint pour ne pas poser les questions qui se pressaient sur ses lèvres.

Déjà l’homme retrouvait son sourire cordial.

— Je vais le faire prévenir, dit-il. Il habite à deux kilomètres d’ici, à En Nefis, une oasis proche. Mais vous ne pouvez vous y rendre seule.

Devant cette réticence, cette résistance sourde qu’elle sentait en son interlocuteur, elle s’obstina.

— Je veux le voir tout de suite.

Il haussa imperceptiblement les épaules et répondit, fataliste :

— Comme vous voudrez !

Il l’examina avec intérêt et poursuivit de sa voix sympathique :

— Cependant, vous dînerez auparavant, tout est prêt, d’ailleurs, et je vous conduirai ensuite moi-même. Mais, excusez-moi, je ne me suis pas présenté : Pierre Delange. Je suis directeur de cet hôtel transatlantique où vous vous trouvez en ce moment. Je suis un vieux blédard et Vigier est mon ami. Aussi, est-ce en son nom que je vous demande de passer la nuit ici. Vous devez être fatiguée par ce long voyage et vous trouverez dans cet hôtel un confort inconnu dans l’oasis d’En Nefis. Croyez-