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LA LOI DU SUD

qu’un des deux aimait encore ? Non, c’était impossible, inconcevable, et elle ne pouvait se résoudre à envisager cette éventualité.

Leur histoire avait été toute simple.

Elle avait connu Jacques Vigier à Paris, chez des amis. Irrésistiblement, ils avaient été attirés l’un vers l’autre par un sentiment qui était en dehors d’eux-mêmes et plus fort qu’eux. Lui, l’homme rude, le pionnier, s’étonnait de la fragilité de cette toute jeune fille, de sa blondeur rare, de son sourire, de son attitude de petite princesse de légende. Pour cet homme viril et rude, elle matérialisait un rêve. Six mois plus tard, ils se marièrent. Jacques s’appliqua d’abord à gérer la propriété dont Monique avait hérité de ses parents. Mais il était si fortement marqué par ses séjours en Afrique qu’une invincible nostalgie le força bientôt à envisager un nouveau départ. Un ami l’appelait à Reggan pour exécuter des essais dans une palmeraie. Il partit, promettant à sa femme de la faire venir dès qu’il serait installé et qu’il lui aurait organisé une habitation digne d’elle.

— On n’emmène pas une princesse dans le bled, disait-il en souriant, il lui faut élever un palais.

Elle vécut alors des jours sans soleil. Des mois passèrent, les premiers marqués de lettres de Jacques, tendres, impérieuses, désolées, puis les missives se firent de plus en plus rares. Tout l’été s’écoula sans qu’elle reçut rien de lui.

Elle avait décidé de le rejoindre. Encore cinquante kilomètres et elle serait près de lui. Une peur insensée l’étreignait, augmentant d’intensité au fur et à mesure que diminuait la distance. Cette peur gâchait la joie immense qu’elle éprouvait à revoir bientôt l’aimé en face d’elle.

Enchâssée dans l’émeraude éclatante de la palmeraie, Reggan apparut enfin. Le car stoppa. Une immense bâtisse de boue séchée envahit tout l’horizon de Monique, un peu en dehors de la réalité. Il lui semblait poursuivre