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LA NAUFRAGEUSE

cela, Patrice, réfléchissez encore avant de me suivre, car je ne vous pardonnerais pas de m’aimer mal ou de ne m’aimer plus.

— J’ai choisi, répliqua-t-il en fermant les yeux.

Elle le grisait, le rendait fou. Elle lui faisait peur aussi.

Mais, pour la tenir dans ses bras, il aurait risqué l’enfer.

Depuis trois mois, ils vivaient dans une vaste gentilhommière au bout de l’Océan. Bien que ce fut l’été, un feu clair brillait dans la cheminée. Adorata était logée aux pieds de son mari.

— Comme vous êtes silencieux, Patrice, remarqua-t-elle. À quoi pensez-vous ?

— Chut, dit-il, c’est une question qu’on ne doit jamais poser.

— Les autres, peut-être, rétorqua-t-elle avec un rien de dureté dans sa voix d’or. Mais moi, je veux l’impossible, l’absolu. Vous ne devez avoir aucun secret pour moi.

— Je n’en ai pas ! Je pensais à notre promenade de ce matin dans l’île.

Adorata pâlit imperceptiblement.

C’est elle qui avait eu l’idée de cette excursion. Elle croyait l’île inhabitée, et voilà que, dans le phare, ils avaient rencontré une jeune femme.

Était-elle jolie seulement ?

Même pas ! Un visage régulier, des cheveux blonds, une carnation délicate, un air fragile, voilà ce qu’elle en avait retenu.

Mais Patrice, elle le devinait, avait regardé l’inconnue avec d’autres yeux.

En quelques mots, celle-ci avait expliqué qu’elle était étrangère et qu’elle était venue là pour peindre. Elle aimait la solitude et ce site passionnément stérile.