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LA LOI DU SUD

Car Adorata, dont la danse était l’image même de l’amour dans ce qu’il a de fatal et de rythmé, ne connaissait point encore ce qu’elle exprimait si parfaitement.

Le matin même, dans une petite mairie de Paris, elle s’était mariée.

Celui dont elle portait le nom l’attendait dans sa loge.

Lorsqu’elle y entra, il s’avança vers elle et l’enlaça.

Elle réussit à se dégager et le regarda jusqu’au fond de lui-même d’un regard si profond qu’il détourna le sien.

Il était long, mince, avec un puéril visage. Des yeux clairs, si pâles qu’à certains moments il semblait aveugle. Des bras puissants. De longues mains délicates. Une bouche sarcastique avec des dents égales.

Adorata s’étonna, une fois de plus, de l’aimer.

Elle ne l’avait pas choisi. Un appel était monté d’elle vers cet homme. Elle avait suivi son instinct et s’était soumise, comme toutes les femmes se soumettent un jour.

— Patrice, dit-elle, je ne danserai plus jamais !

— Oh ! chérie, ne faites pas cela, protesta-t-il.

— J’ai décidé, depuis toujours que, lorsque l’amour viendrait dans ma vie, je quitterais tout pour le suivre et me consacrer à lui.

Patrice eut l’air effrayé. En demandait-il autant maintenant qu’il était sûr qu’elle serait sienne ?

— Vous vous ennuierez, dit-il en essayant de plaisanter. J’ai bien peur de ne pas arriver à meubler une vie comme la vôtre.

— Il le faudra pourtant. Nous allons quitter Paris. Je ne désire plus voir personne. Je veux vivre pour vous seul. Ma grande maison nous attend, battue par les embruns, follement sauvage. Nous redeviendrons des êtres primitifs.

Elle baissa la voix :

— Il faut être certain de m’aimer pour accepter