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LA NAUFRAGEUSE

Dès qu’elle parut, un silence lourd et compact tomba sur la salle.

Elle était très belle, les seins hauts comme ceux des statues grecques, les hanches souples, les jambes longues et vibrantes.

Elle se mit à danser.

Ses bras arqués, ses mains délicates abandonnées comme des pétales, ses petits pieds chaussés de cothurnes d’or, elle esquissait les premiers pas d’une danse et l’enchantement commençait…

Plus rien n’existait que ce martèlement, ce rythme, ce tourbillon éperdu.

Quand elle retomba, longtemps après, comme une fleur fauchée, le silence resta suspendu au-dessus des spectateurs.

Il fallait quelques secondes pour réunir les sensations qu’elle avait si follement prodiguées, pour sortir de la fine toile de rêve dans laquelle elle avait emprisonné ceux qui l’avaient vue ce soir.

Enfin la salle crépita en applaudissements.

Les femmes arrachaient les orchidées de leur robe du soir pour les lui lancer. Les hommes se tenaient pâles et tremblants, incapables de faire un geste.

Adorata se dressait, toute droite, éclatante, irradiée, et saluait d’un sourire divin qui faisait naître au cœur des hommes des espoirs insensés.

Et, pour la première fois, elle était décidée à tenir les promesses de ce sourire.