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LA DAME DU DÉSERT

Gérald devait se souvenir de cette aventure. Sitôt quittée l’oasis aux cinq villes, il l’avait oubliée totalement. L’envoûtement qui avait subitement pesé sur lui s’était dissipé aussi brusquement.

— Je l’ai échappé belle ! dit-il en rejoignant son hôtel.

Et ce fut tout.

L’image de la fille du Sud s’effaça devant celle de la bagarre et les coups qu’il avait reçus lui avaient en quelque sorte fait reprendre contact avec la vie réelle.

Seulement, l’amour, quand on l’appelle, vient toujours. À peine arrivé en France, il fit connaissance d’une jeune fille. Elle n’était pas jolie au sens absurde que l’on donne à ce mot. Mais elle était mieux que cela. Tout en elle était clarté : sa peau soyeuse, son sourire, ses yeux rieurs, ses cheveux dorés et sa voix chantante.

Elle avait aussi une âme claire. C’est pourquoi elle hésita avant de laisser parler son cœur. Elle fut attirée par ce qu’il y avait en lui de différent : sa force, sa spontanéité, sa vie aventureuse, et cela même l’éloigna de lui.

Puis, quand elle eut reconnu qu’il serait un bon compagnon pour la route à suivre, elle s’abandonna.

Depuis trois semaines, ils étaient mariés.

— Pour commencer, nous ferons un beau voyage, avait-elle dit. Je veux voir ces pays dont tu m’as parlé…

Car le Sud avait marqué Gérald de son empreinte, lui laissant cette nostalgie vague dont les hommes du désert ne guérissent jamais.

— Allons plutôt en Irlande ou en Norvège, proposa-t-il.

— Non, je veux marcher sur cette piste que tu as créée…

Elle s’obstinait. Un vague malaise saisissait Gérald à l’idée d’emmener Fanette en Afrique. Était-ce un pressentiment ? Ou simplement voulait-il garder le passé pour lui seul ?