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LA DAME DU DÉSERT

En retrouvant sa chambre, Gérald ne retrouva pas la joie toute neuve qu’il avait ressentie quelques heures plus tôt. L’idée de quitter Gardhaïa le transperçait d’une douleur aiguë.

Les projets qu’il avait lentement ciselés en ses moments d’ennui lui semblaient fades et la pensée de retrouver Paris, ses amis, des femmes de sa race, ne le tentait plus. Mais comment rester ? Et pourquoi ?

Une lueur de raison éclaira sa folie. Il frissonna. Maintes fois, il avait entendu l’histoire d’hommes blancs restés dans le désert et se décivilisant peu à peu. Il fallait réagir.

Il eut beau assister chez le major à un dîner donné en son honneur, pas un instant il ne fut capable de remonter à la surface de lui-même.

— Malade ? interrogea le toubib.

— Non ! Je me sens bien, affirma-t-il.

— Alors, c’est pire. Ça se tient là, hein ?

Il montra sa tête et continua :

— Le pays nous détraque tous un peu… Un seul remède : partir à la rencontre du printemps sur les boulevards parisiens.

Gérald fut un peu réconforté par ces paroles. Mais oui, dès qu’il aurait quitté le M’zab, il oublierait. On ne tombe pas ainsi amoureux d’un visage entrevu.

— Quand partez-vous ? lui demanda sa voisine.

— Demain soir, répondit-il d’un ton tellement énergique que celle-ci le regarda avec surprise.

Puis elle se mit à rire :

— On voit que vous avez hâte de nous fuir, conclut-elle.

Hâte de fuir ? Non ! Il aurait voulu revoir la jeune Mozabite. Il s’imagina qu’il la rejoignait, conduit par la vieille esclave. Elle viendrait près de lui… Il la tiendrait dans ses bras… Elle renverserait la tête, ses cheveux d’un noir ardent crouleraient sur ses épaules, ses cils très longs et recourbés s’abaisseraient lentement,