Page:Nicolaï - La loi du Sud, 1946.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
LA LOI DU SUD

avant que la porte se refermât, de voir une jeune femme vêtue d’une longue robe blanche qui se penchait sur un bassin translucide entre des palmiers aux troncs élancés. Elle était, avec son visage enfantin, d’une beauté irréelle.

Combien de temps resta-t-il à la même place ? Il ne s’en rendit pas compte.

Lorsqu’il redescendit vers la grand’place, il était comme ivre de cette vision.

Il lui semblait que le destin lui avait fait le plus beau cadeau du monde en lui permettant de la regarder un instant.

La foule grouillante ne le tira pas de son rêve. Il s’arrêta, à la nuit tombante, près d’un conteur aveugle autour duquel un cercle s’était formé. Le visage tanné, couvert de rides profondes et sinueuses, la barbe longue et sale, il était vêtu de loques sordides.

Sur son épaule, perché, un vautour examinait l’assistance d’un œil cruel.

Brutal, un coup de tambourin retentit.

— Au nom d’Allah, l’Unique, commença-t-il…

D’une voix chantante, il raconta la merveilleuse histoire d’un guerrier qui rencontrait une princesse.

— Elle était la plus jolie des créatures… expliquait le vieillard (et sa figure était tout à coup irradiée d’extase). Sa chair était blanche comme une tubéreuse, ses longs cils voilaient un visage frais comme l’eau d’un puits, son nez était une amande et le miel coulait de sa bouche.

Gérald ferma les yeux à demi. C’était son inconnue que le conteur décrivait…

Les mots résonnaient dans sa tête et dans sa poitrine. Il entendit à peine la suite. Des obstacles surgissaient, empêchant l’amour de ces deux êtres d’éclore… La princesse en épousait un autre et il mourait pour avoir cherché l’amour.

— On ne peut rien contre le destin ! dit l’homme.