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PANIQUE AU BORD DE L’AMOUR

— Laisse-la tranquille, ordonne-t-il d’une voix calme et dure.

— Mêle-toi de ce qui te regarde.

— Qu’on la laisse en paix.

— Elle n’en demande pas tant. Depuis quand les filles de cet endroit craignent-elles d’être embrassées ?

Un rire fuse, court le long des tables, secoue l’atmosphère enfumée.

Mais des poings robustes s’avancent, des crocs d’ivoire luisent…

— Ici, Brutus, dit l’homme à son chien.

La fille peut arranger ses cheveux en désordre.

— Fais ton baluchon, ordonne l’homme… Holà, l’aubergiste, j’emmène ta servante. Voici ma bourse. Tais-toi… Tu sais qui je suis… Et toi, petite, en route.

C’est la nuit, la nuit sur la lande et sur toute destinée.

Ils s’en vont tous les deux, en silence.

Qu’est devenue la mystérieuse image qui maintenant les unit, celle à qui la servante ressemble tant et tant ?

L’épouse n’a rien dit. Il est le maître dans sa maison.

Elle a tiré les draps, fait le lit, mis les trois couverts sur la table pour le repas du soir.

Quand Lia, la jeune fille, a voulu l’aider, elle l’a repoussée doucement. Celle-ci ne peut être que l’invitée.

Un bon lit, un peu d’amitié et la paix. Point de pas qui rôdent dans le couloir, point de voix qui ordonnent, point de chant d’ivrogne. Seul le clapotement de la mer sur le sable doux, au loin.

Pour la première fois, elle s’endort, bras en croix, étendue, détendue. Elle n’a plus à se défendre jusqu’en son rêve.