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PANIQUE AU BORD DE L’AMOUR

C’est un pays triste, un pays sans joie, près d’une mer blanche.

Elle clapote à petits coups sur le sable gris et les brumes la retiennent sous leur poids invisible.

Un homme vit là. Un homme aux épaules larges, aux hanches minces, et ses cheveux sombres où court une vague argentée soulignent la mélancolie de ses yeux.

Il a voyagé longtemps. Là où il est revenu, c’est le pays de tout renoncement.

Son épouse est sans amour et sans beauté, mais porte le poids de sa résignation. L’a-t-il aimée ? Elle ne l’a jamais su. Pourtant, lors d’une escale, il l’a épousée.

L’homme n’a, pour pâture, que la passion de ses vingt ans : un souvenir.

C’était une jeune fille, jolie et légère comme une feuille, passionnée et cruelle, sans le vouloir et liée à son destin charnel. Il s’en éprit avec toute la conviction de sa naïveté… Elle partit, dans le brouillard d’un soir, pour rejoindre un autre.

Ce passé, l’homme le confie parfois à son chien, car le chien ne lui reproche rien. Il en a parlé aussi à son épouse, aux heures où son mal le torturait, son mal d’aimer qui ne l’aimait plus.

Elle n’a rien dit. Elle ne dit jamais rien. Elle ne sait que rester sienne, dans le silence et les larmes, elle qui sait, cependant, qu’il est marqué du sceau d’une autre femme.

L’homme veut oublier.