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LA LOI DU SUD

prend plaisir à dresser d’autres hommes à devenir comme lui des guerriers.

« Car nous avons, chez nous, cette mystique que tu ne peux connaître, puisque, chez toi, les hommes se battent naturellement.

« Et puis, elle est venue. Et je l’ai aimée. Et pour elle j’ai tout oublié, j’ai peut-être même trahi.

« Même si tu comprenais mes paroles, tu ne pourrais pas comprendre cela, petite fille…

« Trahi… »

Il frissonna.

— Oui… Trahi… Car, dès le jour où je l’ai connue, je n’ai plus rien connu qu’elle et j’ai abandonné mon métier. J’allais, je venais, je commandais encore, bien sûr, mais machinalement, et n’ayant en tête que mon amour.

« Or, un jour, j’avais annoncé mon départ pour la nuit. « Manœuvres », avait dit le colonel. « Contre-ordre », envoya le général. Et, fou de joie, j’abandonne le quartier, rentre à la maison.

« J’ouvre en vainqueur, tout guêtré, tout bardé de cuir, la porte de la chambre. Mon ordonnance, un balourd, un rustre renommé pour sa bêtise, était dans le lit…

« Et j’ai tué l’homme, parce qu’il était laid et qu’elle était blonde, fine, voluptueuse.

« Mon revolver était dans sa gaine, sur mon flanc.

« L’homme dormait, exténué. Elle aussi. La lumière ne les a même pas réveillés. Je me suis approché et, le canon sur la tempe de l’ordonnance, j’ai tiré.

« Puis — pourquoi te raconter tout cela ? — j’ai maquillé le crime. Il s’était suicidé, bien sûr, et elle aussi. Car je l’ai tuée ensuite, et j’ai dû la maintenir, car elle s’était réveillée et elle avait peur. Et je la tenais par les cheveux pour que le canon colle à sa peau et que la poudre marque…