Page:Nicolaï - La loi du Sud, 1946.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
LA FILLE DE L’ÉTANG NOIR

— Ils sont partis de leur plein gré…

— Ce n’est pas vrai ! Ils ne m’auraient pas quittée.

— Tu es bien sûre de toi !

— Oublies-tu que, lorsque tu m’as enlevée du San-Fernado Hill l’an dernier, j’avais déjà eu l’occasion de rencontrer des hommes et de mesurer mon pouvoir sur eux ?

— Ne rappelle pas ce temps maudit où tu étais danseuse. Et prends garde, Valderez, si tu t’amuses à aguicher l’étranger qui va m’aider dans ma tâche, je saurai t’en punir.

— Tu parles !… Tu parles autant qu’une femme !… Moi, je n’ai qu’un conseil à te donner : Laisse cet homme tranquille…

Bragance s’éloigna de la fenêtre, il en avait assez entendu. Il fit le tour de la maison et ne revint que dix minutes plus tard, en ayant soin de siffler pour annoncer sa présence.

Dominguez était seul dans la pièce.

— Au travail ! dit-il rudement.

À la fin de la matinée, peu habitué à ce labeur, Bragance n’en pouvait plus. Il se sentait prêt à renoncer à son projet. Il ne vit pas Valderez à l’heure du repas, mais il l’entendit jouer de la guitare.

La nuit alors qu’il dormait, il ouvrit brusquement les yeux et l’aperçut devant lui, baignée de lune et plus belle qu’aucune femme.

Elle se penchait et chuchotait :

— Partez, vous êtes en danger !

Bragance poussa un juron. Il ne manquait plus que cela ! Trois mois auparavant, Mathis, son ami, son frère, le compagnon de toutes ses aventures, s’était laissé mourir pour cette femme, cette danseuse qui était sa maîtresse et qu’un inconnu avait enlevée au San-Fernado Hill, la boîte la plus luxueuse de Caracas. Impossible de retrouver Valderez ! Personne n’avait pu identifier son ravisseur.