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LA FILLE DE L’ÉTANG NOIR

L’homme poursuivait sa course au milieu des llanos, ces plaines basses desséchées par un soleil torride, qui se trouvent au sud de la ville de Caracas.

Sa calebasse était vide. Son cheval avançait mollement, la tête basse, à bout de souffle.

Il prit dans sa poche un caillou qu’il avait ramassé et le glissa dans sa bouche sèche pour essayer de provoquer un peu de salivation. Mais il souffrait encore plus.

Il arrêta sa bête et s’étendit sur le sol rude.

— Dix minutes… Dix minutes seulement, pensa-t-il… Et puis je repartirai…

À l’ombre maigre que lui dispensait son cheval, il tenta de s’endormir. Mais la fièvre brûlait son corps.

De son portefeuille il sortit une photographie usée. Et, soudain, il oublia sa peine.

La fille était plus belle qu’aucune de celles qu’il avait jamais tenues dans ses bras, qu’aucune de celles qu’il avait même imaginées.

Ses cheveux sombres, partagés par une raie, coulaient sur ses épaules en grappes lourdes. Ses yeux étaient immenses, tendres et moqueurs. Et le sourire de sa bouche pulpeuse dévoilait des dents blanches, aiguës comme celles de quelque fauve.

On devinait que sa peau était comme un pétale soyeux et parfumé.

Cette fille il aurait voulu l’aimer… Il l’aimait déjà, mais le destin faisait que jamais elle ne serait sienne.

— Valderez ! murmura-t-il.