Page:Nicolaï - La loi du Sud, 1946.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
LA LOI DU SUD

Les fenêtres furent munies de barreaux solides.

La première griserie passée, ils s’aperçurent qu’ils étaient des étrangers l’un pour l’autre.

Antal sut, avec des baisers fougueux et doux, faire oublier à Bénita l’existence qui les attendait. Ce fut une nuit magnifique… La première et la dernière…

Ce qui tuait leur amour, c’était de savoir qu’à chaque instant, sans aucune trêve possible, ils seraient l’un près de l’autre… Ils se sentaient rassasiés avant que de tremper leurs lèvres à la coupe des voluptés promises.

À Bénita, il manquait ses servantes, sa vie facile de châtelaine. Antal regrettait le soleil, la montagne, la terre qui sent bon et les branches pleines de rosée au matin, qui vous caressent le visage.

Ils étaient totalement différents l’un de l’autre. L’amour seul avait pu les rapprocher, l’amour qui nivelle tout, mais cet amour était mort d’avoir été condamné à vivre.

Les journées passaient, longues, interminables.

Aux heures des repas, par un guichet pratiqué dans le mur, ils voyaient les longues mains du comte poser leur nourriture.

Bénita se sentait devenir folle. Ce regard clair qui l’avait séduite, ce regard posé sur elle sans cesse, lui devenait odieux. Oh ! clore ces yeux ! Être seule, enfin seule ! Pouvoir redevenir elle-même…

Une nuit, elle s’éveilla en sursaut, prise d’une angoisse insoutenable.

À côté d’elle, Antal dormait profondément. Alors elle se glissa vers le guichet et gratta sur le bois.

Sans doute le comte n’était-il pas loin, car il ouvrit :

— Que voulez-vous ? demanda-t-il.

Elle prit la main de son mari posée sur le rebord et chuchota :