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UN HOMME SE VENGEA

— Oui, je pars… Mais tout ce qui est vivant en moi reste ici, dans cette chambre où vous demeurez.

— J’ai su tout de suite que je vous aimais, dit-elle gravement, et j’étais sûre que c’était pour la vie.

Il l’étreignit longuement.

Quand ils se désenlacèrent, ils restèrent cloués au sol par la frayeur : le comte était en face d’eux, son éternel fusil sur l’épaule.

— Faites de moi ce que vous voudrez, fit bravement l’amoureux de Bénita.

Le comte ricana :

— Tout beau ! Tout beau ! C’est à moi de choisir ma vengeance, il me semble.

Il se tut, réfléchit.

— Vous tuer ! Ce serait un peu trop simple. Vous deviendriez pour elle une sorte de héros. Jamais une place ne resterait vide dans son âme pour personne… Elle vous garderait en elle comme son bien le plus précieux… Non, je ne vous tuerai pas plus que je ne la ferai mourir, elle.

Serrés l’un contre l’autre, ils attendaient la sentence qui allait décider de leur sort.

— Vous vivrez ! vous vivrez l’un pour l’autre, ensemble, toujours. Je vous condamne à vivre, à ne jamais vous quitter. Moi-même, je murerai cette pièce où vous avez été heureux… où vous le serez… où je vous obligerai à l’être… Par une ouverture, je vous donnerai chaque jour la nourriture et les objets qui vous seront nécessaires. Vous ne manquerez de rien. Vous n’aurez d’autres soucis que de gazouiller des mots d’amour… et cela tous les jours de votre existence… Soyez heureux… si vous le pouvez !

Le comte Istvan fit comme il avait dit. Bientôt les amoureux furent enfermés dans cette chambre somptueuse, devenue pour eux la plus horrible des cellules.