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LA LOI DU SUD

renaissaient sur ses joues. Parfois, dans son regard, il lisait une sorte de défi qui l’emplissait de rage.

Il resserra sa surveillance.

Mais il ne découvrit rien.

Qu’eût-il découvert au reste ? Il n’y avait rien ! Rien… à part des regards qui se prenaient sans pouvoir se déprendre. Souvent, sur sa route, Bénita rencontrait un jeune garde du château, un beau garçon vivace et un peu sauvage… Qu’il était éloquent le message qu’elle lisait dans ses prunelles mauves ! Adoration éperdue… dévouement total !… Cela suffirait… Elle savait qu’il n’y aurait jamais rien de plus entre eux, mais la certitude qu’il l’aimait était sa seule joie, sa raison de vivre.

Le comte changea de tactique. Il donna à sa femme une liberté de plus en plus grande. Il prit l’habitude de partir pour de longs voyages et de la laisser seule.

Elle s’enhardit. Elle osa rêver !

Un soir que le châtelain était absent et qu’elle cherchait le sommeil qui la fuyait dans un grand lit de bois ciselé, on frappa doucement à la vitre.

Elle se glissa hors de sa couche, mit son visage contre la fenêtre… C’était lui, l’inconnu qu’elle aimait, celui qu’un regard avait lié à elle pour toujours…

Elle ouvrit la fenêtre du balcon. Il sauta prestement dans la chambre.

— Vous !… Vous !… balbutia-t-elle… Oh ! pourquoi avez-vous fait cela ?

Elle tremblait de joie et de bonheur.

— Je n’en pouvais plus, gémit-il. Il fallait que je vous voie, ne fût-ce qu’une minute…

— C’est donc vrai…

— Oui c’est vrai… Je vous aime…

Elle s’appuya contre son épaule et ils restèrent ainsi immobiles et heureux. Chacun des amoureux sentait battre le cœur de l’autre.

Enfin, Bénita parut s’éveiller d’un rêve.

— Partez… S’il vous trouvait !