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UN HOMME SE VENGEA

Dans la montagne, sur un roc escarpé, le château semblait une tour imprenable. Un torrent, comme une traînée fulgurante, descendait les pentes couvertes d’arbres séculaires où des vols d’oiseaux planaient parfois.

De temps à autre, un coup de feu retentissait. Le vieux comte Istvan chassait. Sur son passage, les gens s’enfuyaient, pris de panique. Était-ce sa haute stature, ses yeux perçants, son dur visage qui ne connaissait pas le sourire ? Était-ce sa légende de cruauté ?

Une barrière infranchissable l’éloignait des autres humains.

Le comte était marié depuis deux ans avec une fille de noble lignée, une de ces belles filles hongroises, racées et souples, aux yeux ardents comme ceux des tziganes.

On la plaignait. Que pouvait-on de plus ? De rares fois, elle venait au village avec son époux et, à chaque voyage, on remarquait que s’amenuisait le doux visage sensible et que ses beaux yeux sombres s’embuaient de désespoir.

Pourtant, un jour, on fut surpris de voir le changement qui s’opérait en elle. C’était comme une brusque floraison, un épanouissement tardif.

Les vieilles femmes hochaient la tête.

Il doit y avoir quelque galant sous roche !

Et elles se signaient craintivement.

Le comte ne fut pas sans remarquer, lui aussi, l’attitude nouvelle de Bénita. Elle souriait plus souvent, les roses