Page:Nicolaï - La loi du Sud, 1946.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
LA LOI DU SUD

Elle me sourit gaîment et me souhaita la bienvenue. Je lui remis un présent.

Alors, jacassante, elle prépara le thé. Je m’étais assise par terre et je la regardais.

Elle a un sourire enfantin dans un visage déjà fané et ma curiosité se heurte à la bestialité heureuse de ce visage.

Des mots revenaient à ma mémoire :

« Je ne sais quels sont tes sortilèges, mais mon âme vient de te voir si parfaite devant le désir… »

— Je ne te dérange pas, Fatouma-aux-sortilèges ?

Elle me regarda, sans comprendre.

Lorsque j’eus terminé ma troisième tasse, à grand bruit, ainsi que le veut l’étiquette, je lui offris une cigarette.

— Sais-tu lire le français, Fatouma ?

— Oh ! non, comment saurais-je ?

— Tiens, voilà des lettres que tu as perdues.

— Ah ! fit-elle simplement. Merci.

Elle prit la liasse et la glissa entre ses seins où elle se perdit.

— Qui t’écrit ?

— Un homme, bien sûr.

— Et tu ne sais pas ce qu’il t’écrit ?

— Oh ! non. Mais ce qu’ils ont à dire, on le sait d’avance : c’est toujours la même chose, n’est-ce pas ?

Et elle se mit à rire, gaillardement.

— Où l’as-tu connu ?

Elle me cita un poste, non loin de là, que je savais occupé par des méharistes.

— L’aimes-tu ?

Elle rit encore, sans me répondre.

Ma curiosité s’exaspérait.

Je ne savais comment m’exprimer.

— Fatouma, as-tu envie de le revoir ? dis-je enfin.

— Il doit venir bientôt, répondit-elle sans trouble.