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LA LOI DU SUD

Elle ferma les yeux. Tout à l’heure, il serait là de nouveau, comme s’il ne l’avait pas quittée.

Lorsque la porte de la grille se fut refermée, elle se sentit brusquement reprise d’effroi ; il lui semblait qu’une main glacée lui étreignait le cœur.

— Est-ce possible que ?… pensa-t-elle.

Elle repoussa l’idée qui lui venait. Mais celle-ci, insidieusement, reparut.

Elle se leva d’un bond, s’affaira dans la maison. Puis elle s’immobilisa et, à voix haute, sans s’en apercevoir, répéta :

— Serait-ce possible que le passé surgisse comme un hôte que l’on attend plus ?

C’était un soir de décembre, il y avait de cela quelques années.

Les rues de Paris étaient calmes et sombres. Dans la légère brume qui les enveloppait, les réverbères formaient des taches lumineuses. L’auto de Brigitte s’enfonçait dans l’obscurité.

À Montparnasse, les terrasses éclaboussaient les trottoirs de leur foule et de leurs lumières violentes.

Des groupes stationnaient devant l’immense vitrine d’un fleuriste où croulaient des guirlandes éclatantes. Les voitures partaient, revenaient, dans un claquement de portières. Des agents bavardaient avec les chasseurs et les vendeurs de journaux étrangers.

À l’angle d’une rue noire qui se perdait au fond d’un quartier endormi, elle rangea sa petite Amilcar et, levant la tête, s’étonna de voir les fenêtres de son studio éclairées malgré l’heure tardive.

Elle monta chez elle en courant, dédaignant l’ascenseur et ses manœuvres énervantes.

Déjà la porte s’ouvrait et le docteur Raynal lui faisait face. Il l’avait connue lorsqu’elle était enfant.