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monsieur, que ce vain scrupule n’est plus que le dernier soupir de la vôtre.

Un sourire de Gustave fut la seule réponse à cette prédiction, que je ne croyais pas si près de s’accomplir ; mais, soit que l’occasion fût trop séduisante, ou que la nature, ennemie de toute perfection, ne voulût pas que mon maître offrît le premier modèle d’un amour sans reproche, il succomba : c’est dommage ; mais en amour comme en tout, les fautes sont inévitables :

    Nam vitiis némo sine nascitur : optimus ille est
    Qui minimis urgetur, etc.
                        Horat. Satirarum, lib. i.



XIX


La semaine suivante, Gustave fut entièrement occupé des devoirs que lui imposait d’avance son nouvel état, et des démarches relatives à l’affaire de son père. Il commençait à douter de la sincérité ou du crédit de madame de Beau***, lorsque je lui remis un matin la lettre qui contenait son brevet d’officier et la radiation du marquis de Révanne. On pense bien que cet heureux message valut un généreux pourboire à l’ordonnance qui s’en était chargée. Dans l’excès de sa joie, Gustave écrivit à la hâte quelques mots à sa mère ; puis, renversant tout ce qui était apprêté pour sa toilette, il s’habilla en deux minutes, et sortit au même instant pour aller remercier son aimable protectrice et le général B***. Il trouva ce dernier déjeunant avec une partie de son état-major et quelques amis, dont plusieurs étaient particulièrement connus de Gustave. Invité par le général, et du ton le plus cordial, à prendre place à côté d’eux, mon maître avait consenti à partager cet agréable repas. Chacun s’empressa de lui en faire les honneurs, car la manière franche et noble dont il venait d’exprimer sa reconnaissance au général, et l’accueil distingué qu’il en recevait, devaient nécessairement prévenir tout le monde en sa faveur.