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général B*** m’a conduit devant madame de Beau***, et lui a dit sans le moindre préambule :

« — Voici un jeune homme dont la mère est de vos amies, je crois ; il veut entrer au service ; mais son père est sur la liste des émigrés, faites-le rayer pour que nulle idée, nulle considération ne vienne contrarier la destinée du fils.

» Madame de Beau*** a répondu par cent choses affectueuses à cette espèce d’ordre, qui, quoiqu’un peu brusque, avait tout le charme d’une prière.

» Quelques moments après, je la vis s’approcher du directeur B*** ; leur entretien dura assez longtemps pour me laisser deviner que j’en étais le sujet ; et ces mots, prononcés assez distinctement pour être entendus de ma place, ne m’en laissèrent plus aucun doute :

» — Puisque vous m’en répondez et que le général a sa parole, je ne vois pas d’inconvénient à lui accorder ce qu’il demande pour son père ; j’en parlerai, et je vous promets de m’en occuper.

» Madame de Beau***, qui connaît le directeur, prétend que c’est ainsi qu’il consent à laisser faire tout ce qu’il ne veut pas avoir l’air d’ordonner, et que mardi prochain, elle est certaine d’obtenir de la commission des émigrés la radiation de mon père. Tu juges bien qu’un exprès en portera aussitôt la nouvelle à Révanne.

— Mais croyez-vous, monsieur, que M. le marquis soit disposé à profiter de la permission de rentrer en France ?

— Vraiment, je n’en sais rien ; mais je saurai du moins que sa volonté seule le retient loin de nous, et qu’en combattant pour ma patrie, je ne sers pas le pays qui proscrit mon père.

— Au fait, cette douce assurance détruit tout ce qui pouvait entraver vos démarches et gâter votre bonheur. Cette madame de Beau*** a fait là une très-bonne action.

— Et qui lui répond de mon éternelle reconnaissance, reprit Gustave avec enthousiasme. J’en suis déjà tellement pénétré, que ne sachant comment la lui témoigner, j’ai fait danser toute la soirée sa fille.

— Quoi ! monsieur revient du bal ?