Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur inspirait aussi les discours les plus touchants. En les entendant plaider la cause de ces infortunés, toutes me paraissaient éloquentes et belles ; enfin je les voyais remplir leur véritable mission sur la terre, et je redisais avec notre poëte philosophe :

……… Oui, le ciel fit les femmes
Pour corriger le levain de nos âmes,
Pour adoucir nos chagrins, nos humeurs,
Pour nous calmer, pour nous rendre meilleurs.

Voltaire, Nanine, acte Ier.



XVIII


Il était trois heures du matin lorsque mon maître rentra chez lui, après avoir prolongé cette agréable journée le plus longtemps possible. Il en était encore trop agité pour s’endormir avant de m’avoir dit comment il venait de s’enrôler dans l’armée, et sous les ordres de quel général il allait voler à la gloire. Je fus presque aussi joyeux que lui de cette grande nouvelle ; l’idée de partager les plaisirs et les fatigues de cette vie militaire qui a tant d’attraits pour les jeunes gens me faisait désirer de partir à l’instant même et j’appris avec regret qu’il fallait encore attendre plus d’un mois avant d’entrer en campagne. Gustave se promettait bien d’employer ce temps à s’instruire dans le métier des armes, et déjà il faisait la part des moments qu’il voulait y consacrer ; après m’avoir parlé de tous ses projets à cet égard, il ajouta :

— Ce qui complète ma joie, Victor, c’est l’assurance positive d’obtenir avant deux jours la radiation de mon père.

— Quoi ! m’écriai-je, serait-ce encore cette belle personne qui s’intéresse avec tant de grâce ?…

— Non, interrompit-il, celle-ci s’est chargée de l’affaire de M. de Civray, et je n’aurais pas osé la prier d’intercéder pour un autre ; mais aujourd’hui même, en sortant de table, le