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se rendre, avec l’intention de s’établir dans un fauteuil pour toute la journée. Ravi du succès de mon invention, j’en redisais les détails à mon maître, lorsque nous entendîmes le bruit d’une voiture ; c’était celle de M. de Saumery : il en sortit le premier ; et nous le vîmes ensuite donner la main à une femme que Gustave ne tarda pas à reconnaître.

— Oh ! ciel ! s’écria-t-il, c’est Lydie !

— Pourquoi tant de surprise ? Monsieur s’attendait bien un peu à sa visite…

— Non, d’honneur, et, si j’osais, je dirais que c’est le seul jour de ma vie où je ne l’aie pas désirée.

— Ah ! monsieur !…

— Que veux-tu ? Ce n’est pas ma faute, et je dis aussi-bien que toi : Où diable l’amour-propre va-t-il se nicher ? Mais j’ai de l’humeur ; et, comme rien n’enlaidit davantage, il m’aurait mieux convenu de ne voir personne aujourd’hui. Cependant il n’y a pas à délibérer ; puisque tu m’as annoncé, aide-moi à descendre.

— Alors il prit mon bras, et je le conduisis jusque dans le salon où le plus tendre accueil l’attendait. M. de Saumery dit en l’apercevant :

— Vraiment, je me sais bon gré d’avoir été ce matin chez madame d’Herbelin, et d’être arrivé au moment où madame de Civray se plaignait de ne point trouver de chevaux pour la conduire ici ; cela m’a valu le plaisir de l’accompagner, et je m’en félicite d’autant plus, qu’elle va nous aider à consoler ce pauvre Gustave de ne pouvoir courir les champs. Mais par quel hasard est-il ainsi éclopé ?

— Ah ! par pitié, répondit Gustave, ne m’obligez pas à vous raconter ma triste aventure. C’est une maladresse qui me coûte assez cher. Je n’y saurais penser sans entrer en fureur contre moi, et c’est un de ces événements qu’on se reproche toujours de n’avoir pas prévu.

Après cet aveu, Gustave se croyait quitte de tout embarras à ce sujet ; mais il arriva du monde, et, chaque personne s’informant du motif qui obligeait Gustave à tenir sa jambe étendue, il fallait, en dépit de lui, raconter comment son cheval s’était abattu, et recommencer sans cesse la même his-