causa un tel effroi à Lydie, que je fus, pour ainsi dire, obligé de la remettre de ma souffrance avant de penser à m’en soulager. Ce coup de fusil, tiré au hasard par le jardinier du château, lui faisait supposer que j’étais mortellement blessé : elle s’accusait, se désolait tout en me prodiguant les plus tendres soins. Mais le jour allait bientôt paraître ; et, tremblant de l’idée qu’il pourrait me surprendre avant de m’être assez éloigné du château pour ne donner aucun soupçon, j’arrachai précipitamment le morceau de verre qui me déchirait encore ; puis entourant ma jambe d’un mouchoir, je me remis en route, hélas ! bien plus occupé de mes regrets que de mes blessures.
— Et vous avez fait quatre lieues dans cet état ? m’écriai-je.
— Il le fallait bien, reprit Gustave ; mais je n’aurais pu faire quatre pas de plus.
— Et pourquoi ne m’avoir pas appelé quand vous êtes rentré ?
— Parce que je pensais que tu te moquerais de moi, répondit-il en riant, et que d’ailleurs on n’est pas fat après de semblables bonnes fortunes.
— Ah ! monsieur peut-il me croire assez…
— Malin, interrompit-il, pour rire aux dépens de mon bonheur ? Non-seulement je te crois capable d’en prendre le plaisir, mais encore d’en amuser bien d’autres, si je te le permettais.
Ce soupçon m’inspira l’envie de le justifier ; et ce fut ainsi que, sans s’en douter, mon maître me donna l’idée de ces mémoires.
XIV
Après avoir longuement médité sur le choix d’un mensonge, nous nous étions décidés pour la chute de cheval, j’en avais fait, en véritable valet de comédie, un récit tellement pathétique à la marquise, qu’elle voulait à toute force voler au secours de son fils, et que j’eus besoin de toute mon éloquence pour lui persuader de l’attendre chez elle, où lui-même allait