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inconvénients d’une fausse position en s’abandonnant sans réserve aux consolations qui en dépendent, Lydie ne pensa plus qu’à légitimer sa faiblesse par l’excès de son amour.

Malgré la difficulté de croire que madame de Révanne n’eût pas soupçonné la cause du changement subit qu’un seul moment venait d’opérer sur son fils, je ne pourrais citer une action, un mot d’elle qui le fît supposer, à moins d’en regarder comme une preuve le redoublement de ses soins pour Lydie, lorsqu’elle venait passer une journée à Révanne, et l’affectation qu’elle mettait à ne la point retenir jusqu’au lendemain. Cependant rien n’était plus indiscret que le silence de Gustave ; n’osant approcher de Lydie lorsqu’il la rencontrait chez sa mère, il parlait de tout sans jamais lui adresser la parole, et souffrait même souvent qu’Alméric le remplaçât près d’elle dans les petits soins d’un maître de maison ; et pourtant, il faisait à ravir les honneurs de la sienne. Chaque jour, sa politesse acquérait plus de grâce, ses manières plus d’aplomb, son esprit plus d’étendue, et l’on aurait deviné à ses progrès en tous genres, qu’il voulait justifier, par toutes les qualités d’un homme distingué, la passion qu’il inspirait à la plus aimable des femmes.

Mais, si heureux qu’on soit, on ne réussit pas toujours dans ce qu’on entreprend. Le hasard qui fait les succès, fait aussi les revers ; et l’aventure suivante en offre un nouvel exemple.

Un de ces matins où j’avais coutume d’entrer une heure plus tard chez mon maître, je fus très-surpris de le trouver occupé à humecter d’eau fraîche une grande blessure qu’il avait à la jambe. Ses mains aussi étaient tout écorchées, et je ne pus m’empêcher de lui demander s’il avait été attaqué dans la nuit par quelque voleur de la forêt.

— Ma foi ! je l’aurais bien préféré, répondit Gustave avec colère.

Puis, se mettant à rire, il ajouta :

— Je m’en serais sans doute tiré plus glorieusement. Mais, avant de te raconter cette ridicule aventure, imagine quelque mensonge honnête pour tromper ma mère sur la cause de cet accident ; car, avec tout le courage d’un César, je ne saurais me soutenir aujourd’hui sur cette maudite jambe. Dis que je