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gent qu’ils avaient à nous remettre ; maintenant il faut venir le chercher, et les remercier encore de vouloir bien ne pas le garder pour eux.

Ce peu de mots expliquait assez clairement par quel motif Lydie était restée seule avec Alméric, et livrait Gustave à la honte d’avoir conçu un injuste soupçon. Il se rapprocha de Lydie dans l’intention de réparer sa faute par quelque signe de repentir, mais ce fut inutilement ; la femme la plus indulgente ne pardonne jamais qu’après avoir puni. Gustave, repoussé avec mépris, se persuada qu’en blessant ainsi le cœur de son amie, il l’avait perdu pour toujours ; et le désespoir s’emparant de son âme, il lui dit de manière à n’être entendu que d’elle :

— Puisque vous avez résolu ma perte, c’en est fait, ce soir même, à minuit, à la porte de votre parc qui donne dans la forêt, vous trouverez le dernier adieu d’un homme qui ne vous importunera plus.

À ces mots, il s’éloigne brusquement de Lydie, et la laisse dans un trouble impossible à décrire.

Ces grandes agitations, plus ou moins bien dissimulées, ne troublèrent en rien le babil du reste de la société. Madame de Belrive, enchantée de rencontrer des gens de sa connaissance, les invita avec instances à partager le dîner champêtre qu’elle avait fait préparer dans une salle de verdure où se trouvait autrefois le labyrinthe que madame de Sévigné appelait son galimatias. Lorsque j’y vins pour aider les gens de madame de Belrive à tout disposer pour le repas, mon maître me donna l’ordre de faire mettre ses chevaux dès qu’on se lèverait de table, en prétextant le désir de revenir assez tôt pour passer la soirée avec sa mère. M. de Saumery approuva cet aimable empressement, et dit qu’il regrettait bien que madame de Révanne n’eût pu les accompagner :

— Car, ajouta-t-il, elle est venue si souvent ici recueillir tous les souvenirs du château, qu’elle nous en aurait fait les honneurs à merveille.

— Dites même à s’y tromper d’un siècle, interrompit Alméric, qui manquait rarement l’occasion de dire un mot flatteur sur madame de Révanne.