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me permettrait de le suivre aux Rochers. J’avais lu les lettres de madame de Sévigné avec l’intérêt qu’elles inspirent ; elles m’avaient, pour ainsi dire, associé à tous les gens illustres de ce beau siècle ; et j’étais si bien accoutumé à vivre avec eux auprès d’elle, qu’en partant pour les Rochers, je crus me mettre en route pour aller voir d’anciennes connaissances. Mais l’aspect de vieilles tourelles nouvellement badigeonnées en blanc détruisit bientôt mon illusion. À cette preuve de bon goût, je reconnus le génie du nouveau propriétaire, et tout m’avertit que j’apportais plus de souvenirs que je n’en trouverais dans ce lieu célèbre.



XI


Qu’on se figure, sur le sommet d’une montagne, un château bâti du temps des croisades, et dont les murs, les ogives, les pilastres, recouverts d’une couche de chaux vive, produisent un effet aussi ridicule que le paraîtrait à nos yeux un vieillard habillé à l’enfant ; tout, jusqu’à la chapelle que le bien bon[1] avait eu le bien bon esprit d’adapter au style et au caractère du reste du château, est maintenant décoré à la moderne. En face se trouvent des écuries nouvellement construites, ornées de colonnes grecques, et un lavoir en marbre, assez vaste pour un hôpital, morceau d’une architecture vraiment bretonne. Voilà ce qui frappe d’abord en arrivant aux Rochers. Découragés par ce début, nous nous hâtâmes de passer dans le parc, espérant que le temps qui détruit tout se serait moins acharné contre la mémoire de madame de Sévigné, que son impitoyable successeur.

Le dessin du parterre était conservé. Il est dans le genre de celui de Versailles ; mais il n’existe pas un arbre qui ait

  1. Nom que madame de Sévigné donnait à son oncle l’abbé de Coulanges.