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lance était de lui faire la cour. Ayant lu dans les romans et les comédies que les femmes d’un certain âge sont rarement cruelles pour les jeunes gens, il n’avait pas même pensé que l’esprit de la marquise pût la mettre à l’abri de ce travers ; et lorsqu’il se vit traité par elle avec tout le mépris qu’inspire une tentative ridicule, sa surprise égala son mécontentement. C’est alors qu’il s’appliqua à gagner dans la confiance du fils autant qu’il venait de perdre dans l’estime de la mère. Ce calcul lui réussit. Madame de Révanne feignit d’oublier l’intention qu’il avait eue d’éprouver un instant sa vanité, en faveur de l’attachement qu’il témoignait à son fils. D’ailleurs n’ayant pas réussi à rompre cette intimité lorsqu’elle en avait exigé le sacrifice, il était de son esprit d’avoir l’air d’y consentir. C’est ainsi qu’elle savait accorder souvent la faiblesse et la dignité maternelle.

M. de Saumery n’était point au dîner. J’appris qu’il avait accompagné madame de Civray, et qu’il devait passer la semaine avec elle chez madame d’Herbelin. À ce nom, Alméric s’écria :

— Enfin le ciel a pitié de moi, et je rencontrerai donc une figure humaine chez ma vieille cousine ! Quoi ! madame d’Herbelin va posséder quelque temps votre charmante nièce, madame, ajouta-t-il en s’adressant à la marquise ? Et de quel crime veut-on punir cette aimable personne en la condamnant au supplice d’entendre matin et soir les éternelles histoires de cette bonne femme ? Moi, qui n’ai ce malheur qu’une fois par semaine, j’ai besoin de tout mon courage pour m’y soumettre ; mais c’est un devoir sacré que m’imposait son ancienne amitié pour mon père ; je vois que le ciel veut me récompenser d’avoir été si fidèle à ce devoir en le changeant en plaisir. Grâce à madame de Civray, ce diner des jeudis ne sera plus pour moi un jour de pénitence.

Soit que le nom de Lydie émût trop douloureusement Gustave, ou qu’un autre sentiment l’agitât en apprenant qu’Alméric jouirait plus souvent que lui du bonheur de voir sa cousine, une profonde tristesse se peignit sur son front. Madame de Révanne, s’apercevant du malaise de son fils, rompit la conversation en parlant du projet qu’elle avait d’aller pas-