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comptent pour rien la santé, sans penser qu’ils lui doivent leurs succès en tous genres.

— Certes, j’en fais grand cas, monsieur le docteur, et pour vous le prouver, je me résigne à tout.

— Non, vous aimez mieux mourir, dites-vous, que de vous donner la peine de guérir.

— Cela est vrai ; mais j’aime encore mieux guérir que l’affliger, dit Gustave en baisant la main de sa mère.

Un tendre embrassement paya cette aimable résignation, et pour le reste du jour l’amour filial l’emporta sur tout autre. Gustave, uniquement occupé de prouver à sa mère qu’il n’était pas possible de dédaigner la vie qu’on tenait d’elle, et qu’on pouvait lui consacrer, jouit du plaisir de dissiper son inquiétude ; et, l’assurant que le bonheur d’être aimé d’une mère adorable le consolerait toujours des maux ou des malheurs qui pourraient l’accabler, il finit par croire ce qu’il voulait seulement persuader à sa mère.



VIII


Un billet de madame de Civray, que je remis le soir même à mon maître, le rendit à toutes les agitations d’un sentiment dont la tendresse de sa mère avait bien pu le distraire, mais non le guérir.

— Suis-je assez malheureux ! dit-il après l’avoir lu ; sa présence était l’unique soutien de mon courage, et la voilà qui veut me fuir ! mais elle ne sait pas tout ce que cette résolution peut lui coûter. D’abord, je la suivrai partout.

— Pauvre femme, dis-je tout bas.

— Quoi ! c’est elle que tu plains ? reprit Gustave avec indignation, toi qui vois ce que je souffre pour elle, ma sotte condescendance à ses moindres volontés, et la manière dont elle m’en récompense ? je te supposais plus d’intérêt pour moi.

Je n’étais pas embarrassé de répondre à cet injuste reproche ; mais, quand j’essayai de prouver que l’ingratitude dont